
L'échéance que tout le monde redoutait et essayait tant bien que mal d'oublier arrive: dans quatre jours il part. Toronto. Destination intéressante, une opportunité qui ne se présente qu'une fois et qui ne se refuse pas. Un peu comme moi et Madrid en avril dernier.
Partir. Tout laisser pour trouver enfin ma place. Rien ni personne n'aurait pu se mettre en travers de mon chemin pour m'empêcher de partir. Egoïsme quand tu nous tiens! Mais quelle montée d'adrénaline, quel bonheur de voir les gens autour de vous s'agiter au dernier moment parce qu'ils comprennent enfin que vous partez; même si Madrid est à deux heures d'avion. Quelle déception mêlée de tristesse quand les personnes avec lesquelles vous auriez voulu passer les derniers moments ne sont pas là. Tant pis! Ce sera pour plus tard.
Difficile d'être celle qui reste maintenant.
Je comprends. Je comprends tout ce qu'il peut ressentir; enfin en grande partie puisque moi j'avais en plus la barrière de la langue que lui n'aura pas là-bas. Mais je sais comme cette dernière semaine est la plus stressante: entre le travail à faire jusqu'au dernier moment, les valises, les papiers, les adieux de dernière minute, les imprévus...la liste est bien longue! Alors ajoutez à cela une petite brune aux yeux bleus qui veut passer une dernière nuit avec vous et vous aurez un emploi du temps complet et difficile à gérer.
Egoïste, débordé, maladroit et con. Je crois sincèrement que nous sommes tout cela à la fois quand nous partons. Nous n'imaginons pas le nombre de personnes qui pensent à nous, celles auxquelles on manque. La réciproque est vraie. Rester, attendre, espérer. Quand il s'agit d'amitié on peut en avoir la démonstration tous les jours, surtout dans les moments difficiles ou inattendus. Quand il s'agit d'amour que c'est dur. Tout est si enivrant et si trouble à la fois.
Il y a peu nous avons parlé de la situation et de ce qui allait se passer: la distance est trop importante pour continuer. Il est incapable de garder et de s'occuper d'une relation d'aussi loin. Je sais. Je comprends. Je m'en doutais. Que j'ai mal. Ne pas me perdre, continuer à s'appeler, à s'écrire, aller le voir là-bas, qu'est-ce que je vais faire pendant qu'il ne sera pas là, pourquoi je suis avec lui, qu'est-ce qui m'a plu chez lui...Tout arrêter et rester ami est une chose. Poser toutes ces questions en est une autre. La situation est encore plus étrange que d'habitude. Pour la première fois depuis que j'ai douze ans je ne veux pas couper les ponts. Faire le tri par le vide. Je ne veux pas perdre ce qu'il y a entre lui et moi. Un jour il m'a dit "Nous sommes des doubles parfaits". Je crois que c'est cette situation qui est difficile à gérer.
Je le savais quasiment depuis le début qu'il partirait. Mais j'en avais pris mon parti. J'ai profité. Profité de tout: les soirées, les week-end, les vacances, les moments difficiles. Mais on ne choisit pas. On ne choisit jamais. Les sentiments changent; vous changent. A ce moment précis, nous sommes comme la mer de cette photographie: tristes, démontés, mais tellement forts et beaux. Rien de plus merveilleux qu'une mer déchaînée. Tout ce que j'aime: toujours rechercher l'absolu, les extrêmes, ces situations qui vous mettent à l'envers, qui vous poussent dans vos derniers retranchements jusqu'à vous en arracher les tripes et le coeur. Jamais de juste milieu. Ne jamais abandonner.